QUELQUES REMARQUES SUR L’HIVERNAGE DES COLONIES D’ABEILLES
Jacques FRENEY
L’hivernage est la période de repos pour les abeilles.
Elles se regroupent en grappe en général au centre de la ruche. La reine ne pond plus. Les abeilles sortent quand les conditions le permettent pour vider leurs intestins.
La consommation de miel permet aux ouvrières de maintenir la température de la grappe aux environs de 35°C.
Plus la température est basse, plus la grappe se resserre.
Une abeille isolée surprise par le froid s’ankylose et meurt lorsque la température descend au-dessous de 5°C.
Un exemple de ce problème est visible en hiver. Par une belle journée ensoleillée, la sortie intempestive des abeilles pressées de se vider les intestins et attirées par la luminosité due au soleil qui se reflète sur la neige peut se terminer en catastrophe. L’abeille qui se pose sur cette surface glacée se retrouve quelques secondes plus tard dans l’incapacité de s’envoler.
MISE EN HIVERNAGE DES COLONIES
Elle doit être terminée pour la mi-octobre, et elle consiste essentiellement à respecter un minimum de conditions favorables à la survie de la grappe.
Minimum de varroas dans la ruche
Les traitements doivent commencer le plus tôt possible, en juillet par exemple, ou juste après la dernière récolte s’il n’a pas été possible de faire autrement.
Nourriture saine
La nourriture ne doit pas contenir des sucres non assimilables par l’abeille (maltose, lactose ...) ni des aliments contenant beaucoup de déchets (miellats, jus de fruits récoltés par les abeilles, sucre de canne, sirops de qualité médiocre avec des restes d’amidon ...).
Il faut privilégier le miel récolté par ses abeilles, le glucose et le fructose ou encore le saccharose sucre simple qui est décomposé facilement par l’abeille pour donner les deux sucres précédents.
Les aliments non digérés se retrouvent dans l’ampoule rectale de l’intestin antérieur, et l’abeille peut en périr si elle se retrouve dans l’incapacité de vider cette poche à l’extérieur de la ruche.
C’est maintenant souvent le cas pour nos abeilles affaiblies par les pesticides, qui ne résistent plus à des gelées extérieures continuelles de plusieurs jours.
Je me souviens du début de l’année 1981, où après une période de 3 semaines de gel intense et continuel, toutes les colonies étaient encore en vie début mars. Les néonicotinoïdes n’étaient pas encore utilisés !
Nourriture abondante
Actuellement je considère que pour passer l’hiver une colonie sur un corps de ruche doit avoir 15 kg minimum nets de provisions, et une ruchette 12 kg minimum au moment de la pesée que j’effectue début septembre.
Pour trouver cette quantité de nourriture supplémentaire à donner, Il faut donc soustraire au poids réel total de la pesée, le poids de la ruche vide, le poids estimé des rayons vides sans oublier environ 2 kg pour les abeilles.
Avant la pesée il faut vérifier que certains cadres du corps ne sont pas bloqués avec du pollen pollué que les abeilles ne consomment pas, qu’elles n’évacuent pas, et que l’on retrouve pendant l’hiver dans les colonies mortes de famine dans des ruches lourdes contenant 10 kg ou plus de ce pollen avarié.
Il faut nourrir le plus tôt possible, car ce sont les abeilles d’été qui vont faire le travail de transformation et de stockage du sirop. Les abeilles d’hiver qui naissent à partir de septembre se distinguent des précédentes par un "corps gras" abondant nécessaire pour résister à la froidure. Ce nourrissement participe à la réactivation de la ponte de la reine surtout si nous prenons soin de distribuer du candi protéiné dès que le sirop est absorbé.
Je complète les provisions en plusieurs fois, avec un sirop 1/1 qui en général est concentré en 2 ou 3 jours par les abeilles selon les relevés de ma balance.
Je considère qu’il faut environ 1,5 litre de sirop 1/1 pour que 1 kg de nourriture soit réellement stocké pour l’hivernage et ceci pour une pesée réalisée début septembre. En effet, l’élevage est encore présent et la consommation reste importante.
Une balance électronique reliée à mon ordinateur effectue une pesée de la ruche témoin toutes les 2 heures, et donne un récapitulatif journalier des variations de poids.
Cet automne 2020 à la mi-octobre, la consommation journalière avoisinait les 100 grammes par jour ce qui donnerait quand même 3 kg en un mois si cette perte de poids était régulière. Ce n’est pas le cas. Les abeilles consomment évidemment plus de nourriture quand elles élèvent du couvain.
Ruche isolée contre le froid et volume proportionnel à la grosseur de la grappe.
Il faut toujours que la grappe hiverne dans un espace qui lui permette de maintenir la chaleur nécessaire à un bon hivernage.
Pour cela il est possible d’utiliser des partitions isolantes.
En prenant certaines précautions, les abeilles hivernent très bien en ruchette, et même si l’apiculteur est expérimenté, en "nucleus" 4 1/2 cadres de hausse.
Par contre plus la ruche est petite, plus il faut surveiller l’état des provisions surtout à la reprise de la ponte en janvier, car la famine peut décimer très rapidement ces petites colonies.
Certains apiculteurs hivernent leurs ruches sur un corps surmonté d’une hausse avec plus ou moins de provisions. Ce n’est pas une bonne méthode. Le volume à chauffer est dans ce cas trop important et la nourriture doit se trouver au contact de la grappe.
Protéger la grappe contre les rongeurs, l’humidité, le vent ...
Il ne faut pas oublier que si elles en ont l’occasion les abeilles pillent volontiers le miel de leurs voisines, suivies par les guêpes qui s’introduisent furtivement dans la ruche.
Pour éviter ce vol de provision et les bagarres, il est prudent dès début septembre et dès le début des nourrissements, de réduire les entrées des ruches à un passage d’environ 4 centimètres de largeur et 6 - 7 mm de hauteur. Le reste de la grille d’entrée doit être percé de petits trous sur toute sa longueur pour faciliter l’aération et éviter l’humidité.
Il est indispensable d’incliner légèrement les ruches pour que l’eau de ruissellement ou de condensation s’écoule dehors, et de poser de lourds poids sur les toits légers en tôle pour éviter qu’ils s’envolent les jours de grand vent.
Ne pas déranger les colonies pendant l’hiver
Pendant l’hivernage la colonie ne doit pas être dérangée sauf pour une intervention que je juge indispensable : purger la ruche du maximum de varroas, pendant que le couvain est absent ou presque inexistant.
Pour cela en général entre Noël et le Jour de l’An, par une journée pas trop maussade, par une température d’au moins 5°C, même si les abeilles ne sortent pas j’enfume très légèrement la colonie en enlevant le couvre cadres, et j’effectue un traitement à l’acide oxalique par dégouttement le plus rapidement possible sur la grappe compacte.
J’effectue cette opération une seule fois systématiquement toutes les années à cette saison, et je suis toujours surpris de constater les jours suivants, un amas de varroas sur les langes malgré les traitements fait précédemment à l’automne. Un traitement plus ou moins efficace de juillet à septembre et surtout la réinfestation par pillage en septembre-octobre en sont souvent la cause.
Lors de ce traitement de fin d’année, les varroas tombent et meurent par suite du froid et très peu remontent sur les abeilles.
Il faut éviter de refaire un traitement supplémentaire à l’acide oxalique dans les semaines qui suivent. J’ai constaté que cela provoque souvent un affaiblissement de la grappe.
Reprise de la ponte de la reine
Très tôt en saison, la reine reprend sa ponte. De quelques oeufs par jour, la ponte augmente progressivement et peut atteindre 2000 oeufs en avril, mai ou juin. Les vieilles abeilles disparaissent épuisées, et il est indispensable qu’elles soient remplacées par de nombreuses naissances
Il est très important qu’il reste des provisions dans la ruche, car cet élevage se traduit par une forte consommation de miel et de pollen.
Si de brusques retours de froid empêchent les abeilles de se réapprovisionner à l’extérieur, la disette peut anéantir de nombreuses colonies.
Actuellement les apiculteurs ont pris l’habitude de nourrir très tôt leurs colonies, souvent dès le milieu de janvier, au départ avec du candi, puis avec du sirop pour activer le développement du couvain.
Certains laissent même du candi tout l’hiver sur leurs colonies.
Ces pratiques n’existaient pas dans les années 1970-1990 car manifestement les abeilles consommaient moins pendant l’hiver et les pertes d’hivernage étaient réduites à 6 % en moyenne, contre 30 % et même plus actuellement.
La pratique de l’apiculture devient difficile
Je reste toujours impressionné par les quantités de sirop consommé chez certains collègues par les colonies en une année, quantité qui n’est pas toujours en rapport avec la récolte de miel obtenue.
Les abeilles actuelles n’ont plus la même vitalité ni la même espérance de vie qu’il y a quelques décennies.
Entre 1970 et 1990 je retrouvais encore quelques reines la cinquième année de leur vie, maintenant combien en reste-t-il après deux années de ponte ?
Les ouvrières vivent moins longtemps, les reines n’ont pas leur spermathèque correctement remplie de sperme viable et leur durée de vie est écourtée, les mâles sont en moins grand nombre, leur fertilité est moindre et ils disparaissent souvent très tôt en saison ...
Les néonicotinoïdes et les autres pesticides, le varroa, le modèle agricole, le changement climatique et même le manque de sélection de races d’abeilles adaptées à ces nouvelles conditions ..., expliquent en partie la difficulté d’hivernage de nos colonies d’abeilles.
Et pour se remonter le moral voici une image estivale d’un rucher. Cela prouve que tout espoir n’est pas encore perdu.